pour le magal de touba :
le marché a pu se doter d’une voiture de vidange. Mais malgré cet outil, la question de l’assainissement reste entière. «C’est notre plus gros problème, même si la Mairie a fait des efforts, notamment dans le nettoiement des toilettes. Et puis, quand la voiture tombe en panne un jour, le marché devient invivable», reconnaît-t-il. Sous le couvert de l’anonymat, un commerçant du marché met tout sur le dos de la Commune. «Il y a même à se demander si nous avons une municipalité. Nous ne sentons aucun effort de sa part», peste-t-il. A Touba, les boutiques font le plein d’approvisionnement en denrées de toutes sortes pour ne pas être en rupture, le temps de l’événement religieux qui draine un monde fou. Au Marché Ocass, les échoppes brassent des millions de francs durant cette période faste. Sur place, on y trouve du tout, des condiments de toutes sortes, des packs d’eau minérale et de boissons sucrées, du riz, de l’huile, des pâtes et du mil, des fruits et légumes, de la volaille, etc.
Pour certains vendeurs, les marchandises s’écoulent en un tour de main. C’est le cas de cet acteur avicole, officiant dans le secteur depuis 5 ans. Chaque année, son chiffre d’affaires augmente. Son poulailler se trouve à la sortie de la ville. Les milliers de poussins qu’il élève sont achetés avant même le début du Magal.
Le Magal, c’est aussi les tailleurs qui ne chôment pas du tout. C’est comme à l’approche de la Tabaski, ils font des veillées nocturnes pour pouvoir livrer les commandes à temps. En effet, à Touba, maintenant, dans chaque famille, les femmes font des ensembles aux couleurs assorties, le Jour-J…
Khassaïdes, chapelets, encens… tout se vend…
Aux alentours de la Grande Mosquée, les places ne désemplissent jamais. Entre recueils de poèmes écrits par le fondateur du Mouridisme, les chapelets soigneusement fabriqués en bois d’ébène, on y vend du tout, surtout pendant la semaine du Magal. Et comme la demande est très forte, on se prépare bien à l’avance. En l’espace de quelque jours, Touba devient un carrefour commercial pour troquer, acheter, vendre. Avec le Magal, l’activité économique de Dakar prend un répit en faveur de la ville religieuse qui accueille les marchands ambulants, surtout aux alentours du quartier Touba Mosquée. Les vendeurs à la sauvette viennent de partout, de Dakar, des régions environnantes et aussi des pays limitrophes, comme la Guinée, la Gambie et la Mauritanie, pour écouler leurs marchandises et faire des affaires. Le chiffre d’affaires est plus que doublé en période de Magal, ainsi que le volume de travail…
Selon ce vendeur de livres, trouvé non loin de la Mosquée, le Magal a déjà commencé. «Nous avons passé les commandes auprès de la librairie pour les Khassaïdes, on attend la livraison. Mais tout est fin prêt. Il n’est pas question de rater cet évènement unique», reconnaît Saliou qui refuse cependant de s’avancer sur les recettes, même s’il reconnaît que presque tous ses produits s’écoulent comme de petits pains. Accrochant soigneusement les chapelets sur un fil assez tendu, cet adulte, la quarantaine sonnée, n’hésite pas à couper sa lecture des Khassaïdes pour parler aux clients. «Les chapelets avec les grosses perles coûtent 2000 FCFA, mais à l’occasion du Magal, ils peuvent coûter un peu moins, parce qu’il y a beaucoup de vendeurs et ça dépend aussi du fournisseur», soutient-il. Mais selon lui, ce qui se vend le mieux, ce sont les Khassaïdes traduits en français.
«Allô Taxi», illégal, mais très porteur
Que ce soit avant, pendant ou après le Magal, il y a un business qui ne fait pas de bruit, mais qui est très prisé et qui nourrit assez bien son homme. C’est celui communément appelé «Allô Taxi». En effet, il s’agit de véhicules particuliers qui sillonnent la ville pour transporter les clients entre Touba et Dakar, dans les deux sens. «Ils donnent leurs numéros de téléphone, un peu partout. Donc, ceux qui veulent aller à Dakar, les appellent. S’ils ont 4 clients, chacun paie 7 000 FCFA et le véhicule vient prendre chacun chez lui. Ils font la même chose à Dakar pour rallier Touba. En une journée, ils peuvent faire l’aller-retour sans problème. Et en cette période de préparation du Magal, ils sont très sollicités, parce que les gens effectuent beaucoup de voyages entre Dakar et Touba et les bus sont trop lents», explique une source sous le couvert de l’anonymat.
Autres bénéficiaires, les chauffeurs de transport en commun. Pour rallier Touba, ils profitent de «l’effet-Magal» pour faire de la spéculation. Si, en temps normal, avec 1 500 FCFA, on peut payer le trajet Dakar- Touba, il faut compter alors au moins le double en période de rush du Magal. Idem pour les sociétés de location de voitures. On n’en trouve plus sur le marché, tous les véhicules étant pris en location. Même ceux des particuliers…
Une ville victime de sa précocité ?
Ville très dense, souvent considérée comme la 2ème ville du pays, derrière Dakar, Touba a connu, ces dernières années, une explosion de son activité économique. Mais ce dynamisme de l’économie cache mal la faiblesse dans le domaine des infrastructures. Selon Seydina Ousmane Fall, responsable des charretiers, il n’est pas normal qu’une ville aussi compacte ne dispose pas d’infrastructures routières adéquates. «Il y a encore des localités qu’on ne peut joindre par la route, alors qu’on parle d’une ville comme Touba quand même. Quand il pleut, beaucoup de ces localités sont inondées. On parle depuis longtemps de programmes d’assainissement, mais ça tarde à voir le jour. Même si je suis dans le domaine, on devait dépasser le transport par les charrettes», clame-t-il.
Des manquements qui inquiètent même en haut lieu. Lors du Comité Régional de Développement (CRD) spécial sur la préparation et l’organisation du Magal, tenu à la Gouvernance de Diourbel, Serigne Bass Abdou Khadre Mbacké, porte-parole du Khalife, n’a pas manqué de le rappeler. «Parmi les urgences, il y a l’évacuation de eaux de pluie des zones inondées, l’état de certaines routes à Touba, l’éclairage public, l’extension du réseau électrique et hydraulique dans les nouveaux quartiers, les télécommunications et le faible débit de connexion à Internet, aussi la mise à disposition de camions cureurs pour l’assainissement», a-t-il rappelé. Même si les autorités ont promis d’y apporter des réponses, le constat est que le retard infrastructurel est réel…
Mais, le responsable moral des Hizbut Tarqiyyah en a une toute autre lecture. Selon Serigne Atou Diagne, Touba est une cité religieuse et si on fait abstraction de l’activité économique, le constat est que Touba n’a pas encore fini de progresser. «Il n’y a qu’un seul hôpital de niveau 3, alors que, selon l’OMS, il en faut au moins une dizaine. Les retombées économiques dont on parle avec les commerçants qui sont ça et là, c’est bien. Mais il faut voir si Touba veut devenir une ville économique, on n’en a vraiment pas besoin. Touba est et reste une cité strictement religieuse. Mais, cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de retombées économiques», explique-t-il.
Enfin, selon les chiffres publiés par les organisateurs, le Magal génère quelque 250 milliards FCFA par an. Entre les dépenses de consommation courante, notamment d’alimentation en grande quantité (riz, huile, eau, pâtes…), de bétail par milliers (vaches, moutons, volaille…), sans compter le transport (carburant y compris), les télécommunications, le transfert d’argent, les investissements dans les constructions, les rénovations, etc.
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